Les facteurs de risque de chutes

Les chutes sont le résultat d’une combinaison de facteurs de risque complexes et interdépendants. Plus de 400 facteurs de risque de chutes ont été identifiés [Skelton, 1999]. Les études suggèrent que le rôle individuel de chaque facteur est souvent assez faible et que la chute résulte plutôt de leur effet additif [Campbell, 1989]. Dans une méta-analyse destinée à repérer les facteurs de risque de chute de sujets âgés vivant à domicile, Deandrea et coll. (2010) ont retenu 74 études prospectives ciblant 31 facteurs de risque classés selon des caractéristiques socio démographiques, sensorielles, psychologiques, de mobilité, de pathologies et de thérapeutique. Les associations les plus fortes ont été retrouvées pour les antécédents de chutes, les difficultés d’équilibre, la présence de vertiges, la nécessité d’une aide pour la marche, la peur de tomber, une maladie de Parkinson, un déficit cognitif et l’usage d’antiépileptiques.

A côté de l’âge et du genre (féminin), les autres facteurs de risque sont classiquement présentés selon trois dimensions qui interagissent entre elles : les facteurs de risque liés à l’état de santé de la personne âgée, les facteurs comportementaux et les facteurs liés à l’environnement. 

 

Source : Prévention des chutes chez les personnes âgées à domicile, INPES 2005

 

Troubles de l’équilibre et de la marche

Le contrôle de l’équilibre statique (position assise ou debout) et dynamique (déplacement) repose sur la coopération entre des systèmes sensoriels (vue, oreille interne, perception des positions et des mouvements du corps) et des systèmes moteurs (commandes motrices centrales et muscles). Certaines de ces fonctions peuvent être affectées avec l’âge. On observe notamment un déclin des capacités de compensation ou de correction pour retrouver l’équilibre, en particulier lorsque les capteurs sensoriels ne sont pas tous disponibles (ex : dans l’obscurité). 

Chez les sujets vivant à domicile, les troubles de l’équilibre, ainsi que les anomalies de la marche liées à une atteinte neurologique augmentent le risque de chute (Muir, 2010 ; Verghese, 2010).

 

Les atteintes sensorielles

Le risque de chute augmente avec le nombre d’atteintes sensorielles (Kulmala, 2009). 

En ce qui concerne la vision, la presque-totalité des sujets de plus de 65 ans a des problèmes d’accommodation, 10 % des 65-75 ans et 20 % des plus de 75 ans présentent d’autres troubles visuels concernant l’acuité visuelle, la réduction du champ visuel, mais aussi la diminution de la perception des profondeurs et la diminution de la sensibilité aux contrastes (Wormald  1992). Si les données épidémiologiques ne permettent pas de connaitre le trouble visuel le plus explicatif des chutes, les différents troubles visuels sont potentiellement des facteurs de risque de chute et de fracture du col du fémur (Dhital ,2010).  

La perte d’acuité auditive, très fréquente chez le sujet âgé, serait également un facteur de risque de chute (Tinetti, 1995)

 

L’hypotension orthostatique

Il s’agit de la diminution de la pression artérielle lors du passage à la position debout. Elle peut être un effet indésirable des traitements antihypertenseurs. Elle est une cause fréquente de malaise et de chute chez la personne âgée (Gangavati, 2011). 

 

Atteintes neurologiques

Au cours de l’évolution de la maladie de Parkinson, apparaissent des troubles moteurs (akinésie, tremblement, piétinement lors du démarrage de la marche) auxquels sont associés progressivement des troubles non moteurs (dont l’anxiété, les troubles cognitifs). L’ensemble participe aux troubles de la marche et aux chutes à un stade avancé de la maladie. L’association de ces signes diffère d’un sujet à l’autre et intervient à des stades variables de la maladie (INSERM, 2015).

L’existence d’un déclin cognitif constitue un facteur de risque de chute chez les patients, même si les troubles cognitifs sont modérés ou légers, et ceci quelle que soit la pathologie responsable (Puisieux, 2005). 

 

Dépression

Les sujets dépressifs, comparés à des sujets témoins, ont des vitesses de marche plus lente, une longueur de pas plus courte, un double appui et un temps de cycle plus longs. La dépression apparait comme un facteur de risque synergique d’une comorbidité, devenant responsable de chute en présence de pathologies telles que diabète, arthrose, pathologie cardiovasculaire ou de polymédication. Anxiété et dépression contribuent à diminuer l’attention et favorisent les chutes (Lord, 1991). La prise d’antidépresseurs est également associée aux chutes chez la personne âgée.

 

La peur de tomber et les antécédents de chute

La peur de chuter fait l’objet de plusieurs définitions qui ont en commun les notions de perception, d’évaluation et de sentiments associés au risque personnel de chute. La peur de chuter prédit prospectivement le risque de chute indépendamment de facteurs de risque objectifs (déficits proprioceptifs, musculaires, visuels et cognitifs) (Delbaere, 2010) et indépendamment de l’expérience que les personnes âgées ont de cet évènement (antécédents de chutes) (Delbaere, 2004). Une étude menée par Dureau et al (2018) auprès de retraités autonomes chuteurs et non chuteurs, a montré chez les non-chuteurs, une association entre la peur de chuter et l’augmentation du nombre de médicaments quotidiens.

La peur de chuter entraine souvent un évitement des activités et donc une restriction des activités. Cette restriction génère un déconditionnement physique lui-même responsable à terme d’une perte de masse musculaire et d’une augmentation du risque de chute (Hadjistavropoulos, 2011). L’expérience de la chute représente quant à elle l’un des déterminants les plus importants de la peur de chuter (Boyd, 2009). 

 

Les atteintes musculaires et osseuses

La sarcopénie désigne la diminution progressive de la masse musculaire liée au vieillissement. Cette atrophie musculaire est associée à une perte de la force musculaire. La diminution des performances motrices et de la force musculaire seraient davantage responsables de chutes que la diminution de la masse musculaire (Walson, 2012). La dénutrition proteino-énergétique souvent associée à la sarcopénie majore le risque de chute.   Le manque de force est également un facteur de risque de chute (Bonnefoy, 2007).

L’ostéoporose est un facteur de risque de fracture (fragilité osseuse). Cyphose dorsale, peur de tomber et diminution de la force peuvent expliquer le risque accru de chutes chez les femmes ostéoporotiques. 

Les personnes âgées souffrant d’arthrose des membres inférieurs ont un risque de chute 2,5 fois plus élevé que celles qui n’ont pas d’arthrose (Hoops, 2012).

 

L’obésité et le diabète

L’obésité est également liée à un risque de chute plus important. Elle est connue pour favoriser l’apparition du diabète de type II, mais aussi des maladies cardio-vasculaires et de l’arthrose. Le surpoids (IMC=25-30) et la présence d’un diabète sont deux facteurs de risque indépendants qui concourent à majorer le risque de chute (Volpato, 2005).

Une récente étude réalisée auprès de l’ensemble des patients âgés chuteurs rencontrés en consultation multidisciplinaire de la chute au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille entre 1995 et 2011 a permis de comparer les patients diabétiques aux non diabétiques. Les premiers présentaient plus de problèmes d’équilibre et de marche et prenaient significativement plus de médicaments (Litke, 2018).

 

Les troubles urinaires

L’incidence et la prévalence de l’incontinence urinaire augmentent avec l’âge et elles sont probablement sous-estimées du fait du caractère tabou de cette symptomatologie. La prévalence de l’incontinence urinaire serait de 8 à 22 % dans la population générale et de plus de 20 % après 80 ans. L’incontinence d’effort, l’incontinence par impériosité urinaire (besoin urgent) et la nycturie (2 épisodes ou plus par nuit) sont plus fréquentes chez les personnes qui chutent que chez celles qui ne chutent pas [Foley, 2012]. 

La sédentarité 

La sédentarité ou le faible niveau d’activité physique sont des facteurs de risque de chute reconnus. Si la pratique d’une activité physique peut paradoxalement exposer au risque de chute, la majorité des données observationnelles témoignent d’une réduction du risque de chute à long terme chez les sujets actifs (Englund  2011 et 2013).

 

Impact des médicaments sur les chutes

Selon les données actuellement disponibles, le risque de chute chez les personnes âgées est majoré lors de la prise de médicaments psychotropes notamment pour les hypnotiques, les antidépresseurs, les antipsychotiques et les benzodiazépines. La prise de médicaments psychotropes entraine une augmentation du risque comprise entre 20 et 70 % selon les molécules (Bloch, 2011). Une majoration du risque est souvent constatée à l’initiation du traitement et selon la posologie. Ce risque est d’autant plus élevé qu’il y a une prise simultanée de plusieurs médicaments psychotropes. Consommer 2 molécules de psychotropes quotidiennement serait à risque de déficits cognitifs et de troubles de la  mobilité́ (Loggia, 2018). Le dosage médicamenteux est également un facteur indépendant de chute (Hanlon, 2009).

Le risque de chute est aussi particulièrement élevé lors de l’introduction de certains traitements antihypertenseurs. Quant aux autres prises médicamenteuses (à visée cardiovasculaire, laxatifs, anti-inflammatoires non-stéroïdiens, antiépileptiques, anti-cholinestérasiques, opiacés), les études disponibles ne permettent pas de conclure à un lien avec le risque de chute (INSERM, 2015)

 

Autres facteurs de risque

L’isolement, un faible niveau de ressources ou un environnement inadapté peuvent accroitre le risque de chute. La peur de chuter serait par exemple plus présente chez les personnes vivant seules que chez celles qui sont en couple. Un faible niveau de ressources peut également représenter un frein à l’adaptation du domicile ou à la participation à des programmes d’activité physique. Dans les facteurs prédisposant à une chute on retrouve également les antécédents de fractures traumatiques et les anomalies des pieds (déformation des orteils et durillons).

Le tableau suivant, extrait du référentiel 2005 de l’INPES sur la prévention des chutes chez les personnes âgées à domicile, récapitule les principaux facteurs de risque de chute et le niveau de preuve entre chaque facteur et le risque de chute. Trois niveaux de preuve ont été retenus : 

  • Élevé : la relation entre le facteur de risque et le risque de chute se retrouve de façon constante dans des études satisfaisant aux critères de qualité admis par la communauté scientifique.
  • Modéré : la relation entre le facteur de risque et le risque de chute se retrouve souvent dans des études satisfaisant aux critères de qualité admis par la communauté scientifique.
  •  Faible : la relation entre le facteur de risque et le risque de chute se retrouve parfois dans des études satisfaisant aux critères de qualité admis par la communauté scientifique.

 

Synthèse thématique :